mercredi 26 mars 2008

Pourquoi débaptiser l'amphithéâtre Roger Bonnard au profit du nom Manon Cormier?

Un amphithéâtre, sanctuaire de la diffusion de la Connaissance, doit porter un nom à la hauteur de ce qu’il représente : on parle communément d’un « Grand nom ».

Qu’est-ce qu’un « Grand nom » ?

Un « Grand nom », c’est d’abord un nom.

Et un nom devient souvent un Grand nom une fois que le personnage qui l’a porté est passé de vie à trépas.

Bien : un amphithéâtre doit porter un Grand nom ; et un nom prend sa grandeur par le décès de celui qui le porte.

Pas si simple.

En réalité, ce critère, bien qu’il paraisse avoir une grande importance aux yeux du cercle d’érudits qui choisit de baptiser un amphi, n’est pas le plus déterminant.

Ce qui semble déterminer la grandeur d’un nom, c’est son apport dans son domaine de prédilection. En ce qui nous concerne alors, on recherchera un économiste ou un juriste qui a marqué sa discipline par le caractère novateur de ses théories, l’excellence de son parcours universitaire ou parfois le nombre d’ouvrages dont il est l’auteur. Le but, plus ou moins avoué, c’est de faire étalage du catalogue de pointures qui ont foulé les marches des amphithéâtres pour prendre place dans les rangs, descendre à la chaire, remonter dans leur bureau de doyen…

Le nom d’un amphithéâtre reflète donc le renom d’une université.

Mais revenons-en à nos moutons : pourquoi débaptiser l’amphithéâtre Bonnard ?

Après tout me direz-vous, Roger Bonnard, ancien doyen de la Faculté de Droit de Bordeaux (comme nommée à l’époque) fut un illustre juriste de droit public et co-directeur de la Revue de Droit Public. A la rentrée de l’année scolaire 1940-1941, c’est d’ailleurs en tant que doyen de la Faculté qu’il félicite l’arrivée au pouvoir du Maréchal Pétain, encense sa clairvoyance scientifique et le hisse au rang des « plus grand esprits de tous les temps ». Un an plus tard, c’est en tant que co-directeur de la RDP qu’il exhorte ses collègues juristes de droit public à porter leur contribution à « l’œuvre de restauration » de la société française ; comprenez : le Régime de Vichy.

Le nom d’un amphithéâtre, disions-nous, reflète la réputation d’une Université.

Manon Cormier n’a jamais diffusé les théories d’un juriste de renommée internationale. Elle n’a jamais été Doyen, ni directrice d’une quelle conque revue spécialisée.

Pour autant, Manon Cormier est de fait un Grand nom de notre Université. Manon Cormier était l’une des premières femmes à avoir tenté et décroché une licence de Droit à Bordeaux, à obtenir un doctorat en droit, à être inscrite au barreau de Bordeaux… Manon Cormier est entrée dans la Résistance en 1940 et s’est faite arrêter par la gestapo en 1943. Le camp dans lequel elle a été déportée fut libéré en avril 1945 ; mais elle succomba à la fatigue le mois suivant.

Ainsi, pendant que Roger Bonnard faisait l’éloge du Maréchal Pétain, Manon Cormier hébergeait les réfractaires au régime de Vichy.

Le nom d’un amphithéâtre reflète la réputation d’une Université : l’Université Montesquieu approuve-t-elle l’institution d’un pétainiste au rang d’illustre juriste ? Défend-elle l’idée selon laquelle seuls les hommes peuvent être commémorés ?

Et si Madeleine Manon Cormier devenait le premier nom féminin d’un amphi ?

4 commentaires:

  1. les fautes d'orthographe en moins et c'est bon... enfin presque...

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  2. Hum je suis d'accord avec vous à tous points de vue.
    Seulement il existe déjà un amphi Manon Cormier à Bx IV : la salle de conférences dans le bâtiment de recherche en Droit...

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  4. Oui, l'article date de 2008, la salle Manon Cormier c'était l'an dernier ! Aurions nous eu une certaine influence ? Je ne sais pas, je pose des questions. Quant à Roger on verra ça vendredi 20 décembre en CA.

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